Par une ordonnance du 14 août dernier, le juge des référés a répondu favorablement à la requête de la commune de Cayenne quant à l’expulsion des occupants de la Place Auguste Horth plus communément appelée la Place des Amandiers.

« Il est enjoint à tous les occupants de la place Auguste Horth à Cayenne de libérer, sans délai, la place qu’ils occupent sans droit ni titre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de cinq jours à compter de la notification de la présente ordonnance ». C’est, entre autres, ce qu’a ordonné lundi 14 août 2023, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane faisant ainsi droit aux prétentions de la commune de Cayenne qui sollicitait l’autorisation d’expulser les occupants de la Place Auguste Horth plus communément appelée la Place des Amandiers. « Faute pour les occupants d’avoir libéré les lieux, la commune de Cayenne pourra procéder à l’expulsion et, le cas échéant, requérir le concours de la force publique » a-t-il ajouté dans cette ordonnance.

Par une requête du 4 août dernier, la commune de Cayenne avait demandé au juge des référés d’ordonner l’expulsion « des personnes listées qui auraient refusé de disposer d’une proposition de mise à l’abri de la part des services de l’État », mais aussi de « tous les occupants de leur chef, occupant sans droit ni titre du domaine public et plus précisément de la place […] ainsi que leur acheminement vers les lieux d’hébergement d’urgence ». Elle demandait également d’ordonner toute mesure utile afin de faire cesser « les atteintes graves et manifestement illégales aux libertés fondamentales des personnes exilées et sans-abri vivant actuellement sur le territoire de la commune de Cayenne dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir », ainsi que « d’enjoindre à l’État de procéder, sans délai, à l’évacuation des personnes listées à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir » et « d’assortir l’ensemble des injonctions sollicitées d’une astreinte de 150 euros par jour de retard ». Elle soutenait entre autres que « les conditions d’urgence et d’utilité sont satisfaites eu égard, en premier lieu, à la nécessité de préserver tant l’environnement que l’ordre public et, en second lieu, à la nécessité de redonner à la place occupée sa destination initiale », ainsi que « la politique de gestion et d’hébergement des demandeurs d’asile menée par les services de l’Etat en Guyane [était] défaillante ». Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août, le préfet de la Guyane concluait au rejet de la requête dont il faisait valoir qu’elle était irrecevable puisque le maire de la commune de Cayenne disposait de pouvoirs de police « lui permettant de préserver l’ordre public et de garantir la protection de l’environnement » et qu’il n’appartenait pas à une collectivité publique de demander au juge administratif de prononcer une mesure qu’elle a le pouvoir de prendre. Et d’ajouter que l’expulsion sollicitée ne présentait aucun caractère d’utilité dès lors que certaines des personnes listées avaient été hébergées, que d’autres avaient refusé et qu’il était prévu l’ouverture au 11 août 2023 d’un nouveau centre d’hébergement sur la commune de Matoury. 

Une audience publique s’était tenue le 11 août dernier en présence des parties. Le porte-parole des occupants en question avait exposé les difficultés générées par l’absence de sanitaires, l’insuffisance des poubelles et le manque de nourriture. Il a déclaré que certains des occupants de la place Auguste Horth y vivent depuis plus de cinquante jours et évoqué les différentes nationalités. Il a fait mention de la présence de personnes nécessitant des soins en évoquant des maladies de peau. Il a conclu, enfin, que les occupants intéressés, souhaitent obtenir l’asile et, pour la plupart, rejoindre la France hexagonale. La clôture de l’instruction avait été prononcée à l’issue de cette audience.

Dans son ordonnance, qui se veut, selon le tribunal administratif « aussi pédagogique que possible », le juge des référés évoque à titre liminaire les circonstances du litige. Il souligne que la Guyane connaît depuis 2019 une évolution exponentielle du nombre de demandeurs d’asile « franchissant ainsi le cap des 2 500 demandes par an et dépassant de cinq fois le ratio national des demandes d’asile par nombre d’habitants. En 2021, la répartition des personnes hébergées par origine géographique, impliquant une organisation adéquate de la part des services de la préfecture, a fait apparaître une immigration venue à majorité du Moyen-Orient s’additionnant, par ordre d’importance, à une immigration venue des Caraïbes, d’Amérique du Sud et d’Afrique. Pour y faire face, le budget dédié à cette problématique a fait l’objet d’une augmentation tandis que les capacités du dispositif d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) ont été portées à 1 000 places ».

Quant à la commune de Cayenne, le juge des référés avance qu’il n’est pas contesté qu’elle fait l’objet, à raison de l’évolution du phénomène migratoire, d’occupations irrégulières de son domaine public et précise qu’elle a signé le 16 février dernier, un protocole de collaboration, impliquant l’État et la Croix rouge, destiné à l’hébergement temporaire des réfugiés et demandeurs d’asile présents sur son territoire. Le juge des référés rappelle que le tribunal a ordonné par le passé, précisément en mars 2023, la libération des rues Arago, Lalouette et Mme Payé.  

« Sur le fond, le juge des référés justifie l’expulsion des occupants de la place des Amandiers par l’absence de sanitaires, l’insuffisance des poubelles au regard du nombre d’occupants, la dégradation ostensible de l’environnement et la survenance de cas épidémiques. Si le préfet de la Guyane évoque des projets en cours, le juge des référés considère que ceux-ci n’ôtent rien à la nécessité d’évacuer les lieux et de redonner à la place des Amandiers un usage conforme à son affectation. Il retient en somme l’absence de contestation sérieuse de l’action entreprise par la commune de Cayenne » explique le tribunal administratif.

(Fanny Fontan)