La Chambre régionale des comptes de Guyane a publié le 10 octobre dernier son rapport sur l’association « régie de territoire de Macouria », qui porte principalement sur la régularité de la gouvernance, la situation financière et le respect de la convention collective. Elle estime que pour regagner la confiance de ses partenaires, l’association doit opérer un changement radical de gouvernance.

Dans son « rapport d’observations définitives n° 2023-0271 – exercices 2016 à 2020 » délibéré par la chambre le 31 mars 2023, puis envoyé le 3 juillet et finalement publié le 10 octobre dernier, relatif à l’association « régie de territoire de Macouria », la Chambre régionale des comptes de Guyane conclut que « l’actuelle direction salariée doit être renforcée et que, sans un étayage solide au niveau administratif et financier, la dégradation financière ne pourra que s’accentuer ».

Créée le 3 septembre 2015, cette association (loi 1901) a démarré son activité en janvier 2016, est labellisée par le comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) depuis décembre 2017, conventionnée entreprise d’insertion depuis 2018 et présidée depuis sa création par Gilles Adelson, maire de Macouria. 

« La population de la commune de Macouria n’a cessé de croître depuis 2013 du fait de sa relative proximité de Cayenne et de la modération de ses loyers. De façon comparable aux associations du même type, la régie de territoire est née de la volonté conjointe de construire une citoyenneté active concourant à recréer ou renforcer le lien social, à mobiliser les acteurs locaux pour un « mieux vivre ensemble » et à inventer de nouveaux modes de gestion urbaine faisant une large place à l’implication et à la participation des habitants. Si ce dernier aspect apparaît comme un élément central du projet, les modalités d’adhésion de nouveaux membres non organisées par les organes statutaires, conduisent à « fermer » l’association » écrit la CRC.  Et d’ajouter que l’objet de la régie de Macouria, qui intervient principalement dans les quartiers prioritaires de la commune, comme l’explique la CRC, est de contribuer à la revitalisation de son territoire d’action, à partir d’activités économiques et sociales, afin de lutter contre l’exclusion et d’améliorer le cadre de vie des habitants dans le respect des objectifs définis par la charte du CNLRQ.

La CRC explique que son examen s’est porté sur la régularité de la gouvernance, la situation financière, le respect de la convention collective nationale des régies de quartier et de territoire et la conformité de l’activité de l’association avec ses statuts en portant une attention particulière à l’insertion des salariés.

« Malgré des besoins indéniables et des activités proposées orientées vers davantage de rencontres et de partage entre les habitants des quartiers, objectif insuffisamment exploité au cours de la période sous revue, tell qu’actuellement en phase expérimentale une web radio, la situation de l’association est fragile » considère la CRC. Elle note en effet que la participation des habitants aux instances décisionnaires de l’association n’est pas effective, que le règlement intérieur prévu pour déterminer les pouvoirs de chacun n’a pas été réalisé et la collégialité souhaitée initialement n’est pas effective « alors même que la composition du bureau n’a pas varié depuis 2016 et qu’aucun vote n’est intervenu pour son renouvellement qui devrait être annuel ». Mais aussi, rareté des réunions des instances décisionnaires, désaffection des membres du conseil d’administration conduisant le président à gérer quasi seul l’association « au risque de la rendre transparente »… Les comptes et la gestion examinés sur la période de 2016 à 2020 mettent en évidence des dettes importantes qui ne cessent de croître depuis 2018 et un budget déficitaire. « La situation de paiement s’est révélée imminente en 2020, les salaires n’étant plus payés et les autres dettes atteignant des niveaux préoccupants » rapporte la CRC pour qui le financement majoritairement assuré par l’État ne permet pas de pallier le manque de rigueur dans le suivi des dossiers de subventions et l’absence de constitution des dossiers nécessaires pour percevoir les fonds attendus. Parmi ces dettes, la CRC évoque celle contractée depuis 2019 auprès du Comité Interprofessionnel de Santé au Travail, soldée seulement en 2022 et qui empêchait jusque-là les salariés en insertion d’avoir accès aux rencontres médicales obligatoires. Mais aussi des dettes en matière de formation qui limitent l’insertion professionnelle des salariés.

« Par ailleurs, la défaillance de la gouvernance conjuguée à la crise sanitaire du COVID-19, a conduit à un mouvement social et une grève au printemps 2020 qui ont entrainé la perte de confiance de certains partenaires et, corrélativement, la perte de marchés » ajoute la CRC qui estime que cette confiance ne pourra être reconquise qu’au prix d’un changement radical de gouvernance.

« La chambre observe également que l’actuelle direction salariée doit être renforcée et que, sans un étayage solide au niveau administratif et financier, soutenu par des instances dirigeantes impliquées et fonctionnant en conformité avec les statuts et le modèle de labellisation choisi, la dégradation financière, dissimulée par l’information défaillante, ne pourra que s’accentuer » conclut-elle.

(Fanny Fontan)